Il aura fallu 12 heures et 19 minutes à Erwan Jauffroy pour parcourir 246,80 kilomètres et relier Toulon à Calvi en SUP foil, et ainsi rentrer dans l’histoire.
Avant de prendre le départ pour cette traversée inédite en ce mercredi 12 juin, Erwan était gagné par les émotions, mais surtout par un immense sentiment de gratitude d’être tout simplement arrivé jusque-là.
En effet, ce n’était pas exactement le premier départ vers la Corse.
Le vendredi 31 mai au matin, Erwan est prêt à s’élancer pour sa traversée historique et son « Foil Crossing Challenge » : relier Calvi depuis Toulon, sans voile, sans moteur et en une journée, juste sur un foil volant grâce à l’énergie des vagues créées par le mistral.
Ce jour-là, les conditions semblent prometteuses ; cela faisait une semaine que toute l’équipe scrutait cette fenêtre météo et se préparait. Cependant, lorsqu’Erwan et son équipe partent enfin, les conditions de vent et de mer au large de Porquerolles dépassaient déjà largement les limites qu’ils s’étaient fixées, et cela n’allait faire qu’empirer au large.
En mer, la sécurité doit toujours primer ; ils décident donc de renoncer à cette tentative après une vingtaine de kilomètres, tout en sachant que ce n’était que partie remise.
Toute l’équipe doit encore patienter une douzaine de jours avant de pouvoir tenter à nouveau la traversée. Les conditions semblent optimales pour le mercredi 12 juin. Cette fois-ci, c’est la bonne, il n’y aura pas de retour en arrière.
Dès le réveil, Erwan ressent beaucoup d’émotions, un mélange d’excitation, d’appréhension, mais aussi de fierté. Il le sait, la journée sera longue, mais il est impatient de s’élancer vers l’inconnu et de découvrir de nouvelles sensations.
Sous ses pieds, il peut compter sur son quiver F-ONE : une ROCKET SUP DW PRO CARBON COMP 8’0 x 17”, un prototype mât Carbone 14mm (80 cm), une aile avant EAGLE X 1000 et un Monobloc Tail DW XS 145.
« J’étais content d’avoir travaillé sur le matos avec toute l’équipe de développement de F-ONE et notamment Charles (Bertrand). Je pense que ça a vraiment joué sur la réussite du projet et le fait que je sois arrivé au bout. Le fait d’avoir eu le matériel dernier cri a fait une différence énorme, notamment pour décoller au large, où c’était vraiment plus compliqué que je ne pensais. »
Erwan et son équipe s’élancent dès l’aube au large de Porquerolles, direction la Corse. Rapidement, il réalise que cette traversée sera sans doute plus difficile que prévu. Alors que le jour se lève, il se retrouve gêné pendant plusieurs heures soit par le soleil dans les yeux, soit par son reflet sur la mer qui l’empêche de lire les vagues. Une fois au large, il fait ensuite face à une houle croisée, qui n’est ni facile à lire ni à rider.
La force du vent oscillait entre 15 et 35 nœuds selon les endroits, créant des bumps de 1,5 à 3 mètres. La partie la plus difficile fut sans aucun doute les 150, voire 200 kilomètres en haute mer. Là, la houle croisée et relativement plate, avec une pente faible par rapport à la vitesse de déplacement de la houle et malgré des creux de 2 à 3 mètres, a posé un véritable défi.
« Tout ça m’a demandé énormément de concentration. J’ai parlé vite fait à la radio au début avec le bateau, mais pendant à peu près les 11 heures suivantes, je n’ai plus parlé, ça me déconcentrait trop de ma trajectoire. Je n’ai pas sorti la caméra une seule fois non plus. Le risque était trop important que je fasse une erreur et doive dépenser de l’énergie pour repartir. »
Autour des 50 kilomètres et après presque 2h30 de navigation, toute le monde est détourné plus au sud par la Marine Nationale. Erwan et ses équipiers, notamment Éric Péron, adaptent la trajectoire pour continuer à réaliser la meilleure route possible vers Calvi. Malgré ce contre-temps, la distance ajoutée et l’arrivée prématurée de crampes, Erwan repart et ne lâche rien.
« Bien sûr, j’étais dégouté et frigorifié à ce moment- là, mais nous n’avions pas le choix. Je n’ai jamais envisagé l’échec ou l’abandon, ni manqué de motivation. Je me suis juste dit plusieurs fois que ça allait être beaucoup plus long que prévu, mais j’étais prêt à donner beaucoup pour pouvoir arriver au bout. Il n’y avait pas d’autre option pour moi.»
Seul au milieu de la Méditerranée, il croise des dauphins et des tortues et enfin, aperçoit la Corse au loin. Mais Raphaël Salles, PDG de F-ONE et qui a effectué cette traversée piégeuse en kite en 2007, l’avait prévenu de ne pas se réjouir trop vite.
« Après, les 20-30 derniers kilomètres, c’était carrément génial. J’étais épuisé mais j’ai regretté de ne plus avoir de jambes, les conditions étaient folles. C’était magnifique de voir enfin le Phare de la Revellata que je m’étais fixé comme objectif avec la lumière du soir, le paysage, les falaises, le comité d’accueil… Tout ça, ça te donne un troisième souffle. »
Erwan a pu maintenir une vitesse moyenne sur son foil de 12,5 nœuds, soit environ 23 km/h. Enfin, après plus de 12 heures en mer, il arrive au pied de la Citadelle de Calvi, reliant ainsi la métropole à la Corse pour la première fois au monde en SUP foil. A l’arrivée, les émotions sont fortes et le cadre hors du temps.
Il lui faudra encore plusieurs heures pour réaliser l’ampleur de ce qu’il vient d’accomplir, mais ses premières pensées sont pour toutes les personnes qui l’ont soutenu et accompagné dans ce projet depuis le début.
« J’ai été vraiment porté par le regard de différentes personnes, en particulier chez F-ONE et notamment Julien (Salles). Il était très légitime pour tenter de traversée là, ayant déjà fait plus de 200 kms avant. Donc de savoir que lui en particulier se disait que je pouvais y arriver, ça donne de l’énergie, en plus de mon équipe, de tous les partenaires, la famille, les amis, et aussi la communauté sur les réseaux sociaux. »
Un documentaire retraçant la traversée ainsi que toute la préparation réalisée en amont est prévu pour la fin de l’année.
Attention : Ce downwind a été effectué par un rider professionnel. Les traversées de longue distance nécessitent une préparation physique, des dispositifs de sécurité appropriés et une assistance en mer. N’essayez pas de faire un downwind seul ni sans entrainement adéquat.